Rebosse ta conf !
Depuis deux ans, la coopérative citoyenne expérimente des stages pour retravailler sa conf gesticulée. Les
Quand le social et l'écologique coopèrent, Par Tifen Ducharne et la coopérative citoyenne
La proposition émane de moi, Tifen Ducharne, cela fait 10 ans que je joue une conf qui parle des déchets, et il m'a fallu tout ce temps pour comprendre pourquoi. Ce que Marx appelait le fétichisme de la marchandise, je l'ai compris à l'épreuve des poubelles, des décharges, des ressourceries et des gens qui s'en occupent. Puis j'ai créé une ressourcerie, et j'ai réalisé que les objets me parlent et me racontent leur vie. Depuis 10 ans que je passe régulièrement (souvent...) dans l'envers du décor, la vie des sociétés humaines se rend plus compréhensible.
Il m'a fallu ces 10 années pour que je réussisse à formuler ce qui me porte et me retourne les boyaux à la fois, cette capacité capitaliste à transformer les humains, et toute forme de vie, en marchandise, et toute marchandise en dictateur du "Il n'y a pas d'alternative".
Je raconte dans cette conf' qu'en matière d'engagement, j'ai touché à peu ou prou toutes les drogues. Certain·es m'ont connue via le parti de gauche, la France insoumise, d'autres via l'éducation populaire et la coopérative citoyenne, dans le syndicalisme, la désobéissance civile ou encore via le réseau compost citoyen... C'est pour expliquer que j'ai eu à me pencher sur la notion de « programme » en matière de déchets en brassant des points de vue et en rencontrant des acteurs variés.
L'idée de sécurité sociale du réemploi a émergé aussi au fil de ces travaux.
La coopérative citoyenne...
…est une association d'éducation populaire née d'amis qui avaient envie de mêler engagement politique et éducation populaire, que l'idée de démocratie intense était compatible un projet politique.
C'est une association qui vise à expérimenter dans les domaines de la démocratie et la coopération, avec pour matière première principale le récit de vie. Elle forme et accompagne aux outils et postures d'éducation populaire, aux conférences gesticulées... mais n'est pas organisme de formation.
La coopérative citoyenne a accepté de porter un travail coopératif autour du projet de sécurité sociale de réemploi, notamment en cherchant des moyens pour dégager du temps aux personnes et organisations désireuses d'en faire partie.
C'est donc une proposition adressée aux associations, technicien·nes, chercheuses, militants, citoyen·nes... Voici les bases que nous proposons pour un travail commun :
La sécurité sociale du réemploi
La sécurité sociale a été créée pour protéger la classe laborieuse de la précarité face aux grands risques de la vie : maladie, vieillesse, chômage, accidents du travail, besoin de formation, soutien en cas d'agrandissement de la famille...
Les questions de la consommation, de la fin des ressources et de l'énergie sont aujourd'hui un risque de précarité majeur, où la question écologique vient croiser la question sociale.
Par exemple : des microcrédits sociaux sont proposés par certaines CAF, localement des ressourceries expérimentent des bons d'équipement financés par la puissance publique, pour acheter des biens matériels aux personnes ayant un quotient familial bas : un lit pour un bébé, une machine à laver, un réfrigérateur...
La CAF a donc conscience que les actes de consommation sont importants, non pas pour avoir beaucoup de choses, mais pour vivre dans de bonnes conditions : sans machine à laver le linge, sans réfrigérateur, des questions sanitaires peuvent se poser, ou un déséquilibre au sein de la famille, ne permettant pas, a priori à la femme, de travailler pour avoir le temps d'accomplir les tâches domestiques, ou alors de travailler en plus et d'être donc très fatiguée.
Si on réfléchit un peu plus loin, on mesure que les besoins en métaux, en plastiques et en énergie pour fabriquer les choses dont il est question ne pourront pas être comblés, au fur et à mesure des années qui viennent.
La question d'avoir accès au réemploi pour les biens de consommation est donc une piste à la fois contre la précarisation et le tarissement des ressources naturelles et de l'énergie. Produire des objets durables, réparables, et soutenir l'achat de seconde main plutôt que le neuf, sont les deux premiers piliers de la sécurité sociale du réemploi.
Récupérerl'éco-taxedes mainsdu privé
La sécurité sociale a été créée selon le principe : tout le monde cotise à hauteur de ses moyens et demande à hauteur de ses besoins. Ce principe permet de remettre un peu d'égalité face aux risques, en opposition au modèle assurantiel de cotisation individuelle qui ne permet pas une demande à la hauteur de ses besoins, mais bien en fonction de ses moyens.
Il se trouve que la consommation est taxée, au delà de la TVA, pour contribuer à la baisse du volume des déchets générés par le système consumériste. Il s'agit de l'éco-taxe. Chaque flux d'objets industriels dépend d'un éco organisme qui la collecte, pour la reverser aux collectivités qui gèrent les déchets. Le principe était celle de la responsabilité élargie du producteur (REP) pour limiter la production de déchets, mais au final le principe pollueur payeur pèse sur le consommateur.
Loin d'avoir permis une meilleure gestion et une réduction des déchets à la source, le système des filières REP a généré un marché du recyclage et de l'incinération. Le robinet est grand ouvert : la production est maximale, la réparabilité très faible, le recyclage un enfumage, mais on continue de faire croire aux citoyens qu'ils sont des consomacteurs et qu'ils ont un grand pouvoir : ne pas consommer ce qui est déjà produit et présent dans les rayons des magasins.
Car la sécurité sociale était à l'origine également dans un fonctionnent coopératif, pas seulement dans la réciprocité de la cotisation et de la redistribution de l'argent, mais aussi dans le principe de gestion par les intéressés eux-mêmes.
C'est donc la dernière similitude entre le projet de SSR et la sécurité sociale : il s'agit de créer les caisses locales, régionales, nationales... qui permettront aux citoyens de décider ensemble des critères de la production, de la mutualisation, et du meilleur réemploi possible du gisement, en plus de la redistribution individuelle envisageable de l'éco taxe pour les besoins en consommation (cf expérimentations de micro crédits et de bons d'équipement).
Comme en 1945, lorsque la sécurité sociale a été créée par le ministre Ambroize Croizat et que la CGT était prête pour la mise en œuvre matérielle, un nombre incalculable d'associations, de ressourceries, de réseaux du réemploi, de chargées de mission des collectivités, de chercheuses, d'ingénieurs œuvrent déjà pour le réemploi.
Il s'agit donc seulement de trouver la forme coopérative qui permette l'épanouissement de tout ce savoir faire, de ces métiers, formations de s’asseoir et devenir incontournables face au chantage à l'emploi régulièrement agité pour faire accepter des métiers au service du mercantilisme à une population dépendante des revenus de ces emplois.
Relocaliser la production de textile sur des bases écologiques et sociales, c'est bien, mais le faire en coopération à l'international, c'est mieux. Car si du jour au lendemain toute la France cessait d'importer des vêtements du Bangladesh, c'est toute une population ouvrière qui serait encore plus appauvrie qu'elle ne l'est déjà. Les syndicats existent dans les pays pauvres, le droit du travail et les réglementations environnementales aussi. Bien des ONG ont montré à quel point le non respect des réglementations de ces pays était principalement du fait des multinationales, qui remplissent les rayons de nos magasins et nos poubelles d'emballages toujours plus sophistiqués avec une main d’œuvre et des ressources naturelles surexploitées..
Cette production massive a également vu des zones entières ravagées : lac asséchés, rivières polluées, carrières non restaurées...
C'est pourquoi une partie de la SSR doit être consacrée à coopérer avec les organisations, syndicats, associations existantes dans les pays producteurs, ainsi que les ONG qui travaillent à les soutenir. La question du respect et de l'élargissement du droit du travail dans le monde entier devient aujourd'hui non seulement une bataille pour le respect des humains, mais une urgence écologique.
La question de la restauration des sites pollués est également à poser avec les populations touchées et les ONG environnementales.
Pour résumer :