avril 10, 2020

Retour sur l'école associative d'Eourres

Retour sur l'école associative d'Eourres

Par Emmanuelle Philippo, 21/11/2019

Création de l'école

La création de l'école d'Eourres s'inscrit dans celui du renouveau du village au début des années 80. Depuis 1975, les habitants avaient peu à peu déserté Eourres, village agricole de montagne, suite à la mécanisation. Les quelques villageois qui restaient lancèrent alors une annonce pour que des jeunes viennent s'installer dans leur village mourant.
Ce fut de jeunes idéalistes post soixante-huitards qui arrivèrent (certains créèrent une communauté), très bien accueillis par les autochtones. L'école d'Eourres était à ce moment-là fermée depuis plusieurs années, mais dès qu'ils eurent des enfants en âge d'aller à l'école, les néo-ruraux en remirent une sur pied en 1980, sous forme associative.
En 1986, ils obtinrent un contrat simple avec l'Education Nationale. "Ce contrat est réservé aux écoles maternelles et élémentaires qui le souhaitent, et aux établissements éduquant des jeunes en situation de handicap. L’établissement organise alors l’enseignement par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l’enseignement public."

https://www.education.gouv.fr/cid251/les-etablissements-d-enseignement-prive.html https://sitecoles.formiris.org/?WebZoneID=590&ArticleID=1645

Le village préférera opter pour un contrat simple avec l'éducation nationale plutôt que d'ouvrir une école communale, afin de garder la liberté pédagogique et le choix de l’enseignant.
Aujourd'hui, Eourres a réussi à garder ce contrat simple alors qu'il a pratiquement disparu (de rares écoles associatives détiennent encore ce contrat qui n'est plus délivré, contrairement au contrat d'association).

Choix pédagogique : une difficulté récurrente !


Les débuts "Steiner"
Un choix s'est posé sur la pédagogie Steiner qui faisait l'unanimité chez les parents de l'époque. Mais assez rapidement, alors que de nouvelles familles qui ne partageaient pas ce choix pédagogique s'installaient à Eourres, les parents qui voulaient absolument garder cette pédagogie créèrent alors une école Steiner dans un village voisin. A Eourres, on garda le contrat simple, avec des enseignants qui se succédèrent, proposant des projets "alternatifs", sans l'extrêmisme que certains voyaient dans la pédagogie Steiner. Des enfants d'Eourres faisaient donc 7 km pour aller à l'école Steiner de Lachau, tandis que des enfants de Lachau et d'autres villages venaient à l'école à Eourres ...
En 1998, Sita Lopez arriva à Eourres et y succéda à l'instituteur. Ce dernier avait fini par démissionner après trois ans, notamment parce que le nombre d'enfants inscrits à l'école diminuait, mais également parce que 17 enfants d'Eourres allaient à Lachau, ce qu'il trouvait insensé !
Avec l'arrivée de Sita, institutrice diplômée, qui avait par ailleurs suivi la formation "Steiner", une convention entre l'école d'Eourres et l'école de Lachau fut signée, avec un Conseil d'Administration commun. Sita commença en prenant à Eourres les enfants de 1è et 2è classes (CP et CE1), et à Lachau, restaient les enfants du jardin d'enfants, ainsi que ceux des 3è, 4è et 5è classe. Et puis progressivement, l'école de Lachau ferma : sans un nombre suffisant d'enfants à l'école d'Eourres, l'Association du village risquait de perdre son contrat avec l'Education Nationale.
Sita fut donc l'institutrice de l'école primaire d'Eourres, et Sandrine, la "jardinière" du jardin d'enfants;  l'une et l'autre proposant la pédagogie Steiner et réussissant pendant plusieurs années à accueillir la majorité des enfants d'Eourres. Seule une famille qui refusa la pédagogie Steiner, reprochant le côté ésotérique du courant dont elle était issue, décida de scolariser ses enfants dans l'école publique la plus proche.
Je vous renvoie, pour celles et ceux qui ne connaissent pas la pédagogie Steiner, à ce qui est en est dit sur Wikipédia.

Les membres qui ont le droit de vote sont les parents et les pédagogues, les seuls qui peuvent former le CA (entre 5 et 8 personnes, fonctionnant en mode collégial). (Statuts actuels)

https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_Steiner-Waldorf

Ouverture à une autre pédagogie
En 2007, comme chaque année, Sita reçut la visite des inspecteurs de l'Education Nationale. Depuis quelques années, ils pointaient un niveau insuffisant, notamment en lecture, chez les enfants de 1è et 2è classe. Cela s'expliquait par le fait que dans les écoles Steiner, l'apprentissage de la lecture ne se fait qu'à partir de 7 ans. Et même si Sita restait assez souple par rapport à cette "règle" chez Steiner, il lui était difficile de partir de zéro (au jardin d'enfants d'Eourres, aucun début d'apprentissage de la lecture et de l'écriture n'était proposé, alors que dans toute école maternelle publique, on commence en moyenne section).
Les inspecteurs obligèrent donc Sita à se former pendant toute l'année scolaire suivante, afin de pouvoir proposer quand elle reviendrait, une pédagogie qui respectait davantage les programmes de l'Education Nationale. Sans une amélioration des résultats scolaires, le contrat avec l'Education Nationale était donc menacé !
Cette décision des inspecteurs coïncida avec le fait que plusieurs familles, récemment arrivées à Eourres, remettaient en question le choix pédagogique posé pratiquement 30 ans plus tôt.
Certaines d'entre elles voulaient une pédagogie totalement laïque, reprochant les aspects spirituels, voire religieux proposés à l'école, d'autres acceptaient de garder certains aspects seulement de cette pédagogie, notamment la dimension artistique, et enfin, une troisième catégorie de parents menaçaient d'enlever leurs enfants de l'école si on abandonnait la pédagogie Steiner!
Au cours de l'année scolaire 2008-2009, Sita choisit de se former à la pédagogie Freinet, qui tout en respectant les programmes de l'Education Nationale, place les élèves comme acteurs de leurs apprentissages. La pédagogie Freinet offrait par ailleurs l'avantage de mieux s'adapter que la pédagogie Steiner à une classe unique comme à Eourres.

https://www.classe-de-demain.fr/accueil/education/comprendre-la-pedagogie-freinet-en-10- points-cles


Cette même année, l'Association "Ecole Eveil et Loisirs" dut donc trouver un pédagogue pour remplacer Sita. Ce ne fut pas chose facile! C'est finalement une institutrice à la retraite qui avait fait toute sa carrière dans des écoles publiques qui effectua le remplacement. Mais les conflits autour de cette question pédagogique à l'école d'Eourres avaient tant divisé les parents, que la moitié des enfants seulement furent inscrits à Eourres cette année-là. L'autre moitié rejoignit l'école publique la plus proche.
En septembre 2009, Sita reprit sa place à l'école d'Eourres (et la majorité des enfants aussi) où elle introduisit des outils de la pédagogie Freinet (le célèbre "Quoi d'neuf?" : les nouvelles du matin, prétextes à enchaîner sur un point du programme; les textes libres; le plan de travail; les fiches de lecture et de maths, ...) tout en gardant certaines pratiques (peinture sur papier mouillé, dessins de forme, activités manuelles, fêtes symboliques et de passage des saisons, pas de points, ...) et matériel pédagogique spécifique (cahiers de dessin, peinture écologique, ...) issus de la pédagogie Steiner. Le tout, ponctué de sorties naturalistes, d’activités de plein air, culturelles et sociales liées aux richesses du patrimoine, et bien sûr, de sa propre personnalité et de ses compétences personnelles (chant, danse, théâtre, musique, ateliers psycho Lévine, les "conseils" de fin de semaine au cours desquels chaque enfant est amené à exprimer ce qu'il a bien vécu, et ensuite, ce qui s'est moins bien passé, en proposant alors une piste d'amélioration, ...). Par ailleurs, elle accueillait régulièrement des projets liés aux compétences de certains villageois, parents ou non (travail de l'osier avec l'osiériculteur-vannier du village, visite de la bergerie, travail de la laine, plantation d'arbres, jardinage, yoga, karaté, cours d'espagnol, tricot, méditation ...).

https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/lecole-moderne-de-celestin-freinet-en-1958

Un des principes de Célestin Freinet, qui créa sa pédagogie à l'intérieur même de l'institution "Education Nationale" puisqu'il était instituteur, était de connaître suffisamment le programme, pour qu'au lieu d'imposer une leçon à l'élève, le pédagogue puisse partir des ces nouvelles du matin apportées par l'enfant, pour l'amener à un point du programme. En procédant de cette manière, l'enfant appréhende mieux la matière enseignée car elle part de lui.

Depuis, les rapports d'inspection ont été positifs. Le niveau scolaire s'est amélioré, notamment depuis que sont accueillis à l'école, les enfants du jardin d'enfants dès l'âge de 5 ans.

Fonctionnement et statut du jardin d'enfant et de l'école

Il y a trois ans, Sandrine a quitté le village et son poste au jardin d'enfants. Trois jeunes femmes déjà installées à Eourres depuis plusieurs années lui ont succédé, chacune à temps partiel. Elles poursuivent ce qui a été impulsé par Sandrine (qui était fort imprégnée par la pédagogie Steiner), tout en apportant leur propre touche. Depuis plusieurs années, le jardin d’enfants est géré par la commune sous le statut d’une micro-crèche. C'est la CAF qui prend en charge la participation de
chaque enfant, en fonction du statut de ses parents (un vrai casse-tête pour la secrétaire de mairie !).
Et du côté de l'école primaire, Sita vient de prendre sa retraite. Cette année scolaire 2019-2020 a donc commencé avec une nouvelle institutrice, Valentine, installée depuis plusieurs années à Eourres. A la demande de plusieurs parents, l'Association "Ecole, Eveil et Loisirs" a procédé à un recrutement en bonne et due forme (car pas question pour certains parents de choisir d'emblée Valentine à partir des seuls critère selon lesquels Valentine 1) avait été l'assistante de Sita ces deux dernières années 2) qu'elle avait le diplôme requis 3) qu'elle habitait à Eourres depuis plusieurs années). Un recrutement a donc été effectué (une commission a été créée à cet effet, composée de membres du Conseil Municipal, de parents et de pédagogues) et Valentine a finalement été choisie. Une deuxième institutrice l'a été également car il a semblé important que Valentine soit secondée. Un(e) volontaire en service civique est par ailleurs accueilli(e) chaque année à l'école. Son contrat est signé avec la commune d'Eourres, qui paie également les charges et l'entretien des bâtiments de l'école et du jardin d'enfants (en 2013, une annexe pour l'école et pour le jardin d'enfants a même été construite! En bois terre paille! Mais ça c'est un autre chapitre !)
C'est l'Etat (de par le contrat avec l'Education Nationale) qui salarie Valentine (institutrice principale et directrice de l'école) à temps plein, quant à la deuxième institutrice (formée à la pédagogie Montessori), elle est payée, en partie par la commune d'Eourres, en partie par l'Association "Ecole, Eveil et Loisirs", via des écolages versés chaque mois par les parents des enfants de l'école. Ces écolages ont été mis en place dès la création de l'école d'Eourres. Ils permettent de payer le matériel pédagogique, une partie du salaire de l'assistante, une partie des
sorties scolaires, les éventuelles interventions extérieures, et les dépenses courantes (produits ménagers, ...).


Cette commission se compose de : 2 personnes déléguées par la mairie, 3 parents, 1 pédagogue de l'école primaire, 1 de la micro-crèche, 1 candidat libre provenant du village ou alentours et portant une attention ou des compétences à la gestion de l'école et de la micro-crèche. L'admission de ces membres doit être validée par le CA.
L'Education Nationale n'a pas accepté les deux mi-temps que les institutrices s'apprêtaient à faire, ne voulant salarier qu'une seule des deux à temps plein (pour la raison qu'ayant le rôle de directrice, elle doit être présente tout le temps). Ils ont déjà permis une dérogation étant donné que Valentine n'avait pas 5 années d'ancienneté. Mais comme le recrutement de la deuxième avait été fait, la Commune a accepté d'intervenir dans la rémunération de son mi-temps.

A côté des écolages, un nombre d'heures de bénévolat est imposé aux parents. Cela a été acté il y a quelques années après le constat que c'était souvent les mêmes parents qui donnaient des coups de main! Or, des services sont nécessaires régulièrement : fêtes pour récolter de l'argent et diminuer les écolages, bricolage (nouvelle étagère à installer ou à réparer dans la classe, travaux de peinture, ...), communication (réseaux sociaux ou autres pour faire connaître l'école et le jardin d'enfants ou communiquer sur les fêtes organisées, ...). L'association a par ailleurs décidé :

  • que le parent "Président(e)" et le parent "Trésorier(e)" étaient dispensé(e)s des heures de bénévolat
  • qu'un parent qui dépassait ses heures de bénévolat payait moins d'écolage et qu'a contrario, un parent qui n'aurait pas effectué ses heures de bénévolat à la fin de l'année scolaire les devait en argent (selon la conversion : 1h = 8€).
    Pour le ménage de l'école et du jardin d'enfants, comme dans tous les établissements "Steiner", ce sont les parents qui s'en chargent à tour de rôle.
    Quant à la cantine, il y a eu plusieurs versions (enfants qui rentrent chez eux et donc parents qui s'arrangent entre eux, cantine organisée par les parents dans la salle communale (Le Lézard Vert) équipée d'une cuisine, ... Au jardin d'enfants, pendant de nombreuses années, c'était les parents qui à tour de rôle préparaient le repas pour tous les enfants). Mais depuis un an, une maman a créé son statut d'auto-entrepreneuse pour organiser la cantine (végétarienne et bio) pour tous au Lézard Vert (les habitants du village peuvent même profiter du service!). Le/la volontaire en service civique s'occupe des enfants pendant le repas.

Mon ressenti de maman dont les deux filles ont fréquenté le jardin d'enfant et l'école d'Eourres

Sur la pédagogie Steiner
Peut-être cet article vous donnera-t-il l'envie d'en savoir plus sur les pédagogies Steiner, Freinet ou Montessori. Vous en apprendrez alors sûrement des vertes et des pas mûres sur la pédagogie Steiner ! C'est en effet une pédagogie très controversée !
Pour ma part, avant de m'installer à Eourres, j'avais déjà fait le choix d'un jardin d'enfants "Steiner" pour ma fille aînée quand elle eut l'âge d'entrer à l'école maternelle. Son papa et moi étions profs tous les deux et nous nous posions beaucoup de questions sur l'enseignement ! Nous avions appris que l'informatique et le système de points (dissimulés derrière les émoticônes "bonhomme content" "bonhomme pas content") s'étaient introduits dans les écoles maternelles ("mais quelle horreur de penser qu'on pouvait par exemple "juger" le dessin d'un enfant!) et nous étions bien décidés à trouver une école basée sur des valeurs qui nous semblaient importantes. C'est alors qu'après avoir visité plusieurs établissements, nous avons été séduits par un jardin d'enfants "Steiner". A ce moment-là, nous ne savions pas qu' il y avait derrière, un courant de pensée appelé l'anthroposophie, ni même qui était ce Steiner! Et j'avoue que je n'ai pas cherché à en savoir davantage. Je m'étais arrêtée à ce que je voyais : les enfants y cuisinaient, y tricotaient, y
jardinaient. Les jeux, jouets, le matériel pédagogique étaient exlusivement fabriqués en matières naturelles. Pas de plastique. Du bois, de la laine, du tissu, ...J'ai beaucoup aimé aussi le concept de "jardinière" qui fait "pousser les enfants". Ou encore celui de prendre le temps le matin quand tout le monde vient d'arriver, avec un temps d'accueil très calme, rideaux fermés, conte et chansons, avant de commencer la journée tous ensemble en ouvrant les rideaux (j'ai adoré qu'on prenne en compte le fait que les enfants avaient vécu des choses complètement différentes avant d'arriver à l'école : des embouteillages, du stress, un réveil forcé, une petit déjeuner pris à la hâte, des cris, ...). Et puis l'équipe pédagogique était au top! Deux super nanas, douces et motivées! Alors oui, c'est vrai, il y avait quand-même un bémol : c'était une école privée et payante! Ce qui a fini par me poser problème (je ne pense pas que nous aurions laissé notre fille à terme).
Quand en novembre 2005 nous avons visité le village d'Eourres pour la première fois, j'ai été agréablement surprise d'apprendre que le jardin d'enfants et l'école y proposaient une pédagogie alternative, qui était par ailleurs celle chosie en Belgique! Mais une fois installés à Eourres, j'ai découvert ce qu'était l'anthroposophie : un courant de pensée fondé par Rudolph Steiner, à la base
de la biodynamie en agriculture, des produits pharmaceutiques Weleda, ... J'appris qu'il y a des médecins anthroposophes, et même des banques! J'en fus assez impressionnée : cela semblait être un mouvement alternatif au système dominant vachement organisé! Par contre, des choses commencèrent à me déranger. Au jardin d'enfants par exemple, quand ma fille cadette, fière d'avoir écrit son prénom derrière sa peinture (elle avait appris à l'écrire à la maison, stimulée par
sa soeur qui apprenait à écrire à l'école primaire), le montra à la jardinière, celle-ci lui fit comprendre que c'était elle seule qui écrivait le prénom des enfants; elle dit à ma fille qu'elle était trop petite pour écrire!
Derrière la réaction de la jardinière, on trouve une explication de Rudolph Steiner pour qui l'enfant n'accède pas à l'abstraction avant l'âge de 7 ans (âge où l'enfant perd sa première dent! Tout ça est apparemment lié ... ?!). Avant cet âge, il est donc inutile (voire nuisible pour l'enfant!) de commencer l'apprentissage de la lecture et de l'écriture selon Steiner! Ce qui me dérange dans cette réaction, c'est le côté "je fais comme ça parce que le grand maître l'a dit!". Pas de cas par cas,
alors qu'une des choses que je recherche dans une pédagogie alternative est l'accueil de l'enfant dans son individualité! Mais mes craintes disparurent quand je pus en parler avec la jardinière et que je pus observer chez elle de l'ouverture et une remise en question.
D'autres choses peuvent faire peur dans cette pédagogie, notamment les saints que l'on fête : St Michel (qui a terrassé le dragon), St martin (soldat de l'armée romaine qui a coupé son manteau pour en donner une partie à un pauvre qui avait froid), St Nicolas (patron des écoliers). Personnellement, et c'est peut-être parce que je viens de Belgique où il n'y a pas de séparation entre l'Eglise et l'Etat (fait que je ne défends pas, entendons-nous bien, mais dont découle, du coup, des différences culturelles), et où je pense que sur les questions religieuses, on est beaucoup
moins "tendu" qu'en France. Bref! Concernant donc ces fêtes, je ne me suis pas plus offusquée que ça. J'y ai vu le partage de valeurs (le dépassement, le partage, ...) et non un endoctrinement. D'ailleurs, le jour de la St Michel, il était proposé aux enfants, une activité comme de l'escalade par exemple, pour vivre concrètement le dépassement (de la peur), un moment où l'on doit "terrasser notre dragon intérieur". Je suis très attachée au symbolique et aux rites de passage, et notre
société les a supprimés en chassant la Religion... je n'étais donc pas contre les fêtes de ces saints, célébrés de cette manière. J'avoue même avoir été heureuse qu'ils fêtent la St Nicolas, qui est une fête importante en Belgique (dois-je rappeler que Saint Nicolas, Santa Claus, s'est fait voler sa place par un père Noël coca-colisé ... mais celui-ci n'offusque en général pas ceux qui s'offusquent de saints!).
Mais je m'égare sûrement de ce que vous vous attendiez à trouver dans un tel article...


Ce que je voulais amener dans ma conclusion c'est que certes, il y a sûrement beaucoup de choses à dire de négatif dans toutes ces pédagogies alternatives, et surtout dans la pédagogie Steiner. Et la première est qu'elles ne sont pas accessibles à tous! Leur côté élitiste me gêne, de la même manière qu'il est écoeurant de vivre dans un monde où manger bio est plus cher que de manger de la merde! Dans le cas de l'école d'Eourres, on parvient à proposer un juste milieu avec un écolage raisonnable étant donné que le salaire de l'institutrice est pris en charge par l'Etat
(contrairement aux écoles 100% Steiner où les enseignants n'ont pas forcément de diplôme pédagogique puisque la seule formation imposée est la formation "Steiner"). Cela peut donc être une piste, en attendant une politique qui change l'école publique en s'inspirant de tout ce qui est positif dans certaines pédagogies, de ce qui marche dans d'autres pays, notamment nordiques, en changeant ce système basé sur la compétition et en la remplaçant par des valeurs comme
l'empathie, la coopération, ... en introduisant la méditation, ... Mais il me semble que l'on peut encore aller plus loin, sans écolage, avec la commune qui aide davantage. Si cela ne se fait pas à Eourres, c'est qu'il n'y a pas eu accord complet parmi les habitants : une partie refuse de participer à 100% aux dépenses de l'école tant qu'elle n'est pas 100% laïque, une autre considère qu'il est normal que les parents interviennent ...
Dans l'expérience que j'ai vécue par rapport à l'école d'Eourres, je retiens ceci : nous avons réussi, même si il a fallu passer par des conflits, parfois violents (c'est fou de voir dans quel état les parents se mettent dès qu'il s'agit de leur progéniture!) à nous exprimer sur ce que les uns et les autres souhaitaient, ou refusaient catégoriquement. Et il en est sorti, selon moi, quelque chose de beau, même si c'est imparfait (ou peut-être beau parce qu'imparfait!). Chacun a pu faire un pas vers l'autre, chacun s'y est mis (sauf ceux pour qui ça n'a pas été possible et qui ont finalement quitté le village) : l'institutrice qui a fait de la place à une pédagogie plus laïque, qui a réécrit certains textes trop religieux pour ne garder que l'aspect symbolique, les parents qui se sont ouverts à une dimension spirituelle, les parents qui ont accepté que la pédagogie Steiner prenne moins de place, ...
Je ne pense pas qu'il y ait de pédagogie "parfaite", ni de pédagogue parfait(e) ! Par contre, je suis sûre qu'il y a des instituteurs et des institutrices qui font des dégâts, peu importe la pédagogie qu'ils utilisent; qu'ils soient dans le public ou dans le privé !
Et je retiens aussi, ce qui est le plus important à mes yeux, qu'à Eourres, j'ai confié mes filles à des pédagogues imparfaits mais qui n'ont pas fait de dégâts. De belles personnes passionnées qui ont participé à la "pousse " des mes filles qui gardent un souvenir extraordinaire de leur 8 années passées à leurs côtés. Régulièrement, elles en parlent avec nostalgie et prennent conscience de la chance qu'elles ont eue de passer par ce jardin d'enfants et cette école uniques !
Pour finir cet article, si vous voulez en savoir plus sur cette école, je vous invite à visionner les deux vidéos dont je vous laisse les liens ci-dessous. La première est une vidéo réalisée il y a quelques années sur l'école d'Eourres. L'institutrice a changé mais l'esprit y est toujours, même si il est évident que les actuelles pédagogues y apportent leur touche personnelle !


La deuxième est une vidéo qu'a montée ma fille à la fin de sa dernière année d'école primaire à Eourres. En effet, s'inspirant de ce qui se fait en toute dernière année dans les écoles Steiner (équivalent de la fin de la terminale), où il est demandé à chaque élève de présenter un "chef d'oeuvre", un véritable travail d'accomplissement qui réunit les compétences qu'il a acquises durant toutes ses années, en fonction des orientations choisies parmi celles proposées dans ce type d'écoles (orientations souvent artistiques), Sita demandait aux enfants de préparer quelque chose à présenter à la fin de leur dernière année primaire. La consigne était de préparer ce travail seul(e) et qu'il soit inspiré de ce que l'enfant aime, a comme don, ... Judith est partie de quatre passions : la danse, le chant, le théâtre et le montage vidéo. La fin de la vidéo (9'48) est un hommage en chanson à l'école d'Eourres (avec des photos qui défilent)

Vous pouvez également aller sur le compte Facebook "Ecole d'Eourres" en attendant que le site internet (www.enfanceeourres.com) soit à nouveau disponible (il est en train d'être refait, suite aux derniers changements de pédagogues).