janvier 6, 2019

Petites leçons de démocratie que je tire de mes expériences militantes

Petites leçons de démocratie que je tire de mes expériences militantes

Les circuits courts c'est politique, hé, banane...

Alors que je vivais dans une ville nouvelle, construite pour  conforter le sentiment d'appartenir à la "classe moyenne" qui se réalise  dans la consommation et le conformisme, je désespérais de parler  écologie, paysannerie, circuits courts. En d'autres termes : avec mes  petits tracts je me sentais si seule...

Comme nous étions plusieurs à nous sentir un peu seuls (et oui), nous  avons décidé de verser dans le concret et nous avons créé une AMAP  (Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne). Succès  immédiat ! Les gens se bousculaient pour nous rencontrer et avoir leur  panier de légumes bios et locaux. Nous lancions des débats, partagions  de grandes discussions avec les paysans, organisions l'acitvité  collective. L'unanimité semblait régner, jusqu'à ce que le réseau  national des AMAP prenne position contre l'aéroport de Notre Dame des  landes, en raison du bétonnage de nombreuses terres agricoles que ce  projet comportait. Nous avons fait passer cette info aux adhérents... et  Tollé ! La secrétaire démissionne, nombre d'adhérents menacent de  résilier leur contrat : On n'est pas là pour faire la politique, juste  pour recevoir des paniers de légumes bio !

Alors je me suis dit que sans doute on n'avait pas été suffisamment  clairs dans l'objet de notre assoce : il ne s'agissait pas de distribuer  des paniers de légumes, il était question de soutenir l'agriculture  paysanne, certes en passant des contrats entre consommateurs et paysans,  mais aussi en se battant contre le bétonnage, les projets qui assèchent  les terres et détruisent les zones humides, partout, pas juste chez  nous, parce que c'est cohérent, tout simplement. Ceux qui ne le  comprenaient pas n'étaient pas a-politiques comme ils le prétendaient,  ils faisaient simplement un autre choix politique. Celui de ne pas se  poser la question de pourquoi les paysans en bio ont du mal à survivre,  pourquoi l'agriculture conventionnelle est ultra majoritaire et quels  liens existent entre la construction de villes nouvelles comme la notre  et la disparition des terres agricoles. Donc ils ne pouvaient pas  comprendre le lien avec Notre dame des landes.

Dans ma ville nouvelle, il n'y avait pas que des gens de la classe  moyenne qui voulaient des légumes bios rien que pour ex sans se poser de  question sur comment et dans quel type de société ces légumes peuvent  pousser. Il y a aussi des parents d'élèves.

Parents d'élèves : le règne de la cucuterie cessera-t-il un jour ?

Avez-vous déjà particité à une élection de parents d'élèves ? C'est  tout à fait merveilleux : tout le monde est pour le bien et contre le  mal ! J'ai bien analysé les programmes : les parents se présentent tous  pour le bien-être des enfants. Formidable non ? C'est vrai qu'on aurait  du mal à voter pour quelqu'un dont le programme est le mal-être des  enfants...

Un jour je me suis donc lancée : est-ce que le bien être des enfants  va jusqu'à se battre pour qu'une famille étrangère dont l'enfant est  scolarisé ici obtienne des papiers officiels de résidence ? J'ai obtenu 3  types de réaction :

  1. Oui, bien sûr !
  2. Ce n'est pas notre problème, on ne s'occupe que de l'école
  3. Silence gêné

J'ai donc poussé le bouchon en demandant que ces positions soient  clairement affichées, sinon je ne pouvais pas voter. J'ai tenté  d'expliquer que choisir entre des personnes qui sont toutes pour l'amour  universel et le bien être des enfants était difficile, il fallait que  je puisse connaitre les idées des personnes un peu plus... Les parents  ont donc publié des bios : j'ai tel âge, j'ai tant d'enfants, j'habite  ici depuis tant d'années et donc je connais bien le quartier...

Il a fallu mettre les points sur les I : je ne cherche pas à savoir  avec qui je vais passer mes vacances, je cherche à choisir les personnes  qui vont me représenter et donc je veux savoir quelles idées ils  défendront. Vont-ils se battre pour la gratuité de l'école ? Vont-ils  s'affirmer face à l'éducation nationale, aux élus ? Vont-ils faire jouer  la solidarité avec des familles étrangères ?

Et bien, depuis 8 ans, et 3 enfants scolarisés, je n'ai pu répondre  qu'une fois à ces questions : quand j'ai été moi-même élue déléguée  parents d'élèves !

Moralité, en politique comme ailleurs : la démocratie c'est pas  simple, ça implique que chacun se pose des questions, réfléchisse

  1. la démocratie, c'est pas simple, ça implique d'être bousculé dans son confort
  2. la démocratie, c'est pas simple, ça implique de dire ce qu'on pense,  en considérant que peut être à partir de là, des gens ne vont plus vous  inviter à l'apéro
  3. la démocratie c'est pas simple, et si on ne s'en occupe pas, d'autres vont le faire, et pas forcément comme on voudrait
  4. la démocratie c'est pas simple... mais c'est beaucoup plus enthousiasmant !